La cotisation cessionnaire ou de tiers vise une personne distincte du débiteur original de la dette fiscale. Il peut s'agir des administrateurs d'une société dans certains cas (Voir le texte : « Responsabilité des administrateurs »), ou d'une personne généralement proche à qui l'on transfère des biens en pensant les soustraire aux griffes du fisc.
Transfert de biens pour se tirer d'affaires
On entend parfois dire qu'une personne s'est tirée de certains ennuis financiers en « mettant ses biens au nom de son (sa) conjoint(e) ». Ce n'est pas si simple. Le transfert de biens par une personne insolvable peut entraîner une foule de conséquences autant en vertu des règles du Code civil du Québec1 (ci-après « C.c.Q), de la Loi sur la faillite 2(ci-après « LFI ») que des lois fiscales comme la Loi sur la taxe d'accise3 (ci-après « LTA »), la Loi sur le ministère du revenu4 (ci-après « LMR »), de la Loi de l'impôt5 (ci-après « LIR ») et de la Loi sur les impôts6 (ci-après « LI »). Dans plusieurs cas, le cessionnaire (la personne qui reçoit le bien du cédant) hérite d'une responsabilité solidaire avec le cédant et de problèmes judiciaires multiples.
Ce que les différentes dispositions des lois visent c'est bien sûr un transfert à un prix inférieur à la juste valeur marchande du bien transféré. Le cas le plus patent consisterait à transférer la moitié indivise d'une résidence principale à son conjoint sans le paiement de la valeur de cette moitié indivise.
Loi sur la taxe d'accise ( taxe sur les produits et services « TPS »)
La première partie du paragraphe 325(1) LTA se lit ainsi :
Transfert entre personnes ayant un lien de dépendance
325. (1) La personne qui transfère un bien, directement ou indirectement, par le biais d’une fiducie ou par tout autre moyen, à son époux ou conjoint de fait, ou à un particulier qui l’est devenu depuis, à un particulier de moins de 18 ans ou à une personne avec laquelle elle a un lien de dépendance, est solidairement tenue, avec le cessionnaire, de payer en application de la présente partie le moins élevé des montants suivants [...]:
Lien de dépendance
Sans faire le tour complet de la notion de lien de dépendance, il faut savoir que la loi établit des présomptions qui incluent les ascendants, les descendants, les personnes unies par les liens du sang, du mariage ou de l'union de fait. Plusieurs liens entre des sociétés par actions contrôlées par des personnes autrement liées sont aussi établis par la loi. Le lien de dépendance peut même provenir d'une situation de faits, un exemple serait une transaction d'accommodement avec un grand copain par laquelle on lui cèderait un bien à vil prix dans le but de le reprendre ultérieurement.
Solidarité
La solidarité entraîne la responsabilité du cessionnaire à l'égard de la dette fiscale du cédant. Si, par hypothèse, le mari cédait à titre gratuit à son épouse sa moitié indivise de la résidence familiale, celle-ci devient responsable de la dette fiscale du mari jusqu'à concurrence de la valeur de la moitié indivise. Elle en serait responsable sur l'ensemble de ses biens.
L'article 14.4 LMR va dans le même sens que l'article 325 LTA, en ce qui concerne la taxe de vente du Québec (TVQ).
Différents délais pour s'attaquer à une transaction par une personne insolvable ou dans le cas du fisc pour cotiser
L'article 1631 C.c.Q. prévoit que la transaction faite en fraude des droits d'un créancier (comme un transfert à vil prix) peut être déclarée inopposable au créancier qui dispose d'un délai d'un an à compter de la connaissance du préjudice en vertu de l'article 1635 C.c.Q.
En vertu de la Loi sur la faillite, les dispositions faites sans contrepartie valable peuvent être attaquées jusqu'à cinq ans7 avant la date de faillite si le syndic peut prouver que la personne s'est rendue insolvable par la disposition.
En vertu du paragraphe 325(2) LTA et de l'article 1035 LI, il semble qu'une cotisation peut être établie en tout temps à l'égard d'un transfert sans contrepartie valable alors qu'en ce qui concerne la TVQ, un délai de quatre ans de la prise de connaissance par le ministre est prévu à l'article 14.5 LMR.
Même dans les cas où un délai existe, il faut réaliser qu'il court à compter de la connaissance du transfert. Les contribuables qui espèrent que le passage du temps les rendra invulnérables pourraient avoir des mauvaises surprises dans certains cas. La Cour suprême du Canada a eu à se pencher sur un cas où le contribuable avait allégué un délai trop long avant que la cotisation cessionnaire ne soit émise. Dans cet arrêt de & Ltd. v. Canada8 elle a clairement établi que le texte de la LIR stipulait en tout temps et que les tribunaux n'avaient pas à passer outre à cette disposition. L'épée de Damoclès reste suspendue.
Moyens de défense
Le contribuable peut avoir un moyen basé sur la prescription dans les cas où un délai existe pour émettre la cotisation.
Un certain nombre de formalités de nature administrative doivent être accomplies dans certains cas avant que la cotisation puisse être émise. Certains arguments pourraient être soulevés si les autorités ont omis d'accomplir ces formalités.
La cotisation cessionnaire peut être contestée par avis d'opposition et appel subséquent devant la Cour du Québec ou la Cour canadienne de l'impôt. Les arguments qui pouvaient être soulevés à l'encontre de la dette originale pourront l'être par le cessionnaire.
1 - Code civil du Québec, L.R.Q. c. C-1991.
2 - Loi sur la faillite et l'insolvabilité, L.R.C. 1985, c. B-3.
3 - Loi sur la Taxe d’accise, L.R.C. 1985, c. E-15.
4 - Loi sur le ministère du Revenu, L.R.Q. c. M-31.
5 - Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e supp.), c. 1.
6 - Loi sur les impôts, L.R.Q. c. I-3.
7 - Paragaphe 91(2) LFI.
8 - Addison & Leyen Ltd. v. Canada, [2007] 2 R.C.S. 793 |