Dans la vie, il est  possible de commettre des erreurs. Cela est vrai autant pour les individus que  les sociétés par actions : « Errare humanum est » dit le  proverbe. Il est possible en droit civil et en droit des sociétés de remédier à  certaines erreurs et d'obtenir des rectifications pouvant avoir des  conséquences en matière fiscale. Ce n'est pas la panacée, mais parfois le remède  peut faire épargner beaucoup de sous.
                     
                      Le fiscal suit le  civil ou le « corporatif » 
                        Le juge Senécal de la Cour supérieure du Québec s'est  exprimé ainsi dans une affaire visant à corriger une résolution de société  déclarant un dividende en capital excessif :  
                      « Les  tribunaux n’ont donc jamais hésité à annuler des contrats ou résolutions d'une  compagnie afin de faire respecter l’intention initiale des parties, du moment  qu’il ne s’agissait pas de cas où les parties n’avaient pas tenu compte des  conséquences fiscales pour ensuite tenter d’y remédier subséquemment à la  cotisation.1» 
                       
                      Plus loin :  
                      
                        « De  l’avis de la Cour, le paragraphe 184(3) L.I.R. offre une porte de sortie aux  contribuables lorsque l’impôt punitif est applicable.  Il n’affirme pas  que rien d’autre ne peut être fait et, surtout, n’écarte pas le principe que le  fiscal suit le civil.  Il accorde certes un recours fiscal pour résoudre  la situation, mais ne prétend pas par ailleurs écarter le droit civil, en  l’occurrence les motifs d’annulation pouvant être invoqués devant les tribunaux  pour empêcher la déclaration du dividende d’être valide.2» [Nos soulignés] 
                       
                      Les lois fiscales s'appliquent à une réalité civile et  corporative. Les sociétés par actions existent en vertu de la loi fédérale3 ou de lois provinciales comme celle du Québec4.  Ces lois prévoient le recours aux tribunaux pour rectifier des illégalités ou  irrégularités dans les statuts par exemple5.  Au Québec, le Code civil6 régit les droits et obligations des citoyens à de multiples égards conformément  à la Constitution7, par exemple  :   les contrats, la responsabilité, la famille, les personnes, les hypothèques,  etc. À moins que la loi fiscale, dans la limite des pouvoirs constitutionnels  appartenant à la législature concernée, ne mette de côté un acte ou une  situation juridique émanant du droit civil ou du droit corporatif, elle  s'applique à cet acte ou cette situation. 
                      L'article 8.1 de la Loi  de l'interprétation8 stipule :  
                      « Le droit civil et la common law font  pareillement autorité et sont tous deux sources de droit en matière de  propriété et de droits civils au Canada et, s'il est nécessaire de recourir à  des règles, principes ou notions appartenant au domaine de la propriété et des  droits civils en vue d'assurer l'application d'un texte dans une province, il faut, sauf règle de droit s'y  opposant, avoir  recours aux règles, principes et notions en vigueur dans cette province au  moment de l'application du texte.»  
                      Dans un arrêt de principe9 en la matière, le juge Décary écrivait :  
                      « Le droit fiscal, à mon avis, est un droit  accessoire qui n'existe qu'au niveau des effets découlant des contrats. Une  fois la nature des contrats déterminée par le droit civil, la Loi de l'Impôt  intervient, mais seulement alors, pour imposer des conséquences fiscales à ces  contrats. Sans contrat, sans droit et sans obligation il ne peut y avoir  d'incidence fiscale. L'application de la Loi de l'Impôt est soumise à un  diagnostic civil que ce diagnostic soit de droit civil ou de droit commun.»  
                       
                      En droit civil, l'erreur touchant au consentement des  parties à un contrat peut en entraîner la nullité en vertu des articles 1400 et  1416 C.c.Q. Par contre, l'article 1400 C.c.Q.  précise : « [l]'erreur inexcusable ne constitue pas un vice de  consentement ». Le caractère excusable ou non de l'erreur est dans le  cadre de contrat un élément très important  
                      Donc, si l'erreur excusable est un motif légitime pour faire  annuler un acte juridique en droit civil ou si le droit corporatif permet des  modifications aux statuts (même rétroactives), le fiscal doit s'en accommoder. 
                      Conséquences  pratiques 
                        Les tribunaux sont donc appelés à intervenir dans de  nombreuses situations où il s'est avéré possible de corriger une situation  justement parce que les conséquences fiscales qui en découlent sont à l'opposé  de ce que les personnes concernées cherchaient à faire. 
                      
                        
                          - Annulation d'une résolution décrétant un  dividende en capital trop élevé (ce qui entraîne une lourde pénalité);10
 
                          - Modifications des documents afférents à une  réorganisation selon l'article 86 de la Loi  de l'impôt sur le revenu11 visant à rétablir de façon substantielle la répartition entre la contrepartie  autre qu'en actions et le nombre d'actions émises12; 
 
                          - Dans le cadre d'un avis de détermination de  pertes en vertu de 151(1.1) L.I.R., le contribuable a pu obtenir un jugement du  tribunal qui modifiait la qualification initiale, comptable et fiscale, qu'elle  avait fait de pertes subies. Le contribuable avait traité ses pertes comme des  pertes en capital autant au plan comptable dans ses états financiers que dans  ses déclarations de revenus et désirait qu'elles soient considérées comme des  pertes autres qu'en capital (pertes d'entreprise)13; 
 
                          - Nullité de la vente entre deux entreprises14 affiliées en raison de la crainte que la transaction comporte des conséquences  fiscales alors qu'il était de l'essence même qu'elle n'en comporte pas.  L'objectif avoué d'obtenir un jugement avec effet rétroactif était de pouvoir  l'opposer aux autorités fiscales; 
 
                          - Acceptation par la Cour du Québec aux fins  fiscales d'une requalification d'une transaction entre des parties liées  accordée par la Cour supérieure. La Cour supérieure avait accepté d'accorder  une « précision » de l'intention des parties, précision qui avait  l'avantage d'entraîner une réduction du capital versé du contribuable15. 
 
                         
                       
                      Il arrive cependant que la tentative échoue :  
                      
                        
                          - Annulation conventionnelle d'un échange entre  une ville et un organisme paramunicipal16.  Le tribunal a déterminé que l'annulation conventionnelle était inopposable au  fisc d'une part parce qu'il conclut que l'erreur était inexcusable et que l'annulation  conventionnelle ne pouvait rétroagir d'autre part. 
 
                         
                                             
                      1 - Felix & Norton International et  Canada (Procureur général), 2009 QCCS 919, au par. 24. 
                        2 - Ibid, au par. 28. 
                        3 - Loi canadienne sur les  sociétés par actions, L.R.C. 1985, c. C-44 
                        4- Loi sur les compagnies, L.R.Q. c. C-38 
                              5 - Ibid, à l'art. 123.141. 
                              6 - Code civil du Québec,  L.R.Q. c. C-1991. (ci-après « C.c.Q.) 
                              7 - Loi constitutionnelle de 1982 (R.-U.), constituant l'annexe B de la Loi  de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11. 
                              8 - Loi de l'interprétation, L.R.C. 1985, c. I-21 
                              9 - Canada c. Lagueux & Frères Inc., [1974] 2 C.F. 97. 
                              10 - Supra, note 1. Voir aussi Vigneault,  Lachance & Associés inc. c. Vigneault, Lachance, services financiers inc.,  2008 QCCS 3039. 
                              11 - Loi de l'impôt sur le revenu,  L.R.C. 1985 (5e supp.), c. 1.(ci-après « L.I.R.») 
                              12 - Services environnementaux AES inc. c.  Agence des douanes et du revenu du Canada, 2009 QCCS 790. 
                              13 - Valiant Cleaning Technology inc. c. R. 2008  CCI 637, [2009] 1 C.T.C. 2454. 
                              14 - B.E.A. Holdings inc. c. Trafsys inc., [2004] J.Q. no 646. Jugement  de la Cour d'appel du Québec qui infirme de façon lapidaire, un jugement de la  Cour supérieure. 
                              15 - Imperial Tobacco Canada  ltée c. Québec (Sous-Ministre du Revenu), 2006 QCCQ  8273, R.J.Q. 2949. 
                              16 - Richmond (Ville) c.  Canada, 2007 CCI 336, 2008 D.T.C. 3820.                        |