Par la prescription, certains droits se gagnent ou se perdent. En matière fiscale, il peut en être de même autant pour le fisc que pour le contribuable. C'est-à-dire que le fisc dispose normalement d'un certain délai pour cotiser ou recotiser un contribuable. Le texte qui suit élabore sommairement sur différentes circonstances, dont l'intérêt parfois pour le fisc de demander une renonciation à la prescription.
Période normale de nouvelle cotisation
Le fisc peut procéder à une nouvelle cotisation à l'intérieur de la période normale de nouvelle cotisation. Cette période s'étend dans la plupart des cas aux trois années qui suivent l'envoi de la première cotisation (Voir « Cotisation et opposition »). Cette affirmation vaut autant pour la Loi de l'impôt sur le revenu1 (fédéral) que la Loi sur les impôts (Québec)2.
Fraude, négligence, omission volontaire
Il faut cependant préciser que dans le cas où le contribuable a fait une présentation erronée des faits en raison de négligence, d'inattention ou d'omission volontaire, ou en cas de fraude, le fisc peut établir une nouvelle cotisation en tout temps. Il appartient au fisc de prouver dans les cas où il veut établir une nouvelle cotisation après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation qu'il s'agit d'un cas qui donne ouverture à cette cotisation. Il a alors le fardeau de la preuve quant à la fraude, la négligence, l'omission volontaire, etc. Une jurisprudence abondante existe concernant les circonstances qui donnent ouverture à ce type de cotisation.
L'Agence du revenu du Canada a pour pratique administrative de s'en tenir aux six années précédentes même si la loi l'autorise à remonter plus loin dans le temps.
Prescription
Le mot prescription dans le langage juridique fait référence à la faculté d'acquérir ou de perdre un droit par le passage du temps. On réfère donc à la période normale de nouvelle cotisation comme étant le délai de prescription. En d'autres termes, si le fisc n'établit pas de nouvelle cotisation dans le délai de trois ans, son droit de cotiser de nouveau sera prescrit ou perdu.
Étant donné que toutes les déclarations de revenu ne font pas l'objet de vérifications et que ces vérifications prennent du temps, il arrive fréquemment que les autorités fiscales réclament du contribuable qu'il renonce à la prescription avant l'expiration du délai normal de nouvelle cotisation.
Le contribuable n'a pratiquement pas le choix de consentir à cette renonciation, car s'il ne consent pas, le fisc va simplement émettre une nouvelle cotisation « arbitraire » pour interrompre la prescription quitte à poursuivre sa vérification pour étayer la cotisation.
Même si l'on considère que le contribuable n'a pas vraiment le choix de consentir à la renonciation à la prescription, différentes options s'offrent à lui pour circonscrire la marge de manœuvre qu'il se trouve à octroyer au fisc.
Le libellé de la renonciation
Le vérificateur qui réclame une renonciation à la prescription aura généralement des interrogations quant à des aspects précis des affaires du contribuable. Il importe alors de négocier en quelque sorte le texte de la renonciation afin qu'elle ne soit pas trop générale. Le contribuable n'a pas l'obligation de consentir à la renonciation et il est légitime qu'il fasse valoir au vérificateur que la renonciation devrait concerner des questions précises.
La Cour d'Appel du Québec3 a refusé de renverser une décision rendue en Cour du Québec où le juge de première instance avait donné raison au contribuable qui s'objectait à ce que le fisc québécois s'autorise d'une renonciation à la prescription portant sur la juste valeur marchande d'actions vendues pour cotiser le contribuable sur une nouvelle base. La renonciation concernait la valeur des actions dans le cadre d'un gain en capital. Or, le fisc a tenté de cotiser le contribuable sur une nouvelle base, soit que le profit encaissé à la vente des actions était plutôt un dividende qu'un gain en capital.
Révocation de la renonciation
Le contribuable qui renonce à la prescription a également le loisir de révoquer la renonciation à la prescription qu'il a fournie. La législation fédérale4 et celle du Québec prévoient alors que le fisc dispose d'un délai de six mois de la date de la révocation pour établir une nouvelle cotisation.
Il est donc possible pour limiter le délai accordé au fisc pour établir une nouvelle cotisation de produire en même temps une renonciation à la prescription et une révocation de cette renonciation.
Échange de renseignements entre l'Agence de revenu du Canada et Revenu Québec : Délai additionnel de cotisation pour Revenu Québec
Le Canada et les provinces du Canada ont le droit constitutionnel de prélever des impôts. Le Canada confie la tâche de percevoir les impôts et taxes à l'Agence du revenu du Canada, le Québec confie cette tâche à Revenu Québec. Ces organismes sont indépendants, mais ils collaborent et échangent des renseignements. Si l'un des organismes effectue une vérification des affaires d'un contribuable, on peut penser que l'autre attendra le résultat de la vérification pour cotiser à son tour. C'est généralement le cas, sauf qu'il est possible que le délai normal de nouvelle cotisation soit expiré pour l'un des organismes quand l'autre émettra sa nouvelle cotisation.
Le Québec a décidé de s'octroyer un délai supplémentaire d'une année après la cotisation fédérale pour cotiser à son tour. La disposition législative habilitante se trouve à l'article 1010.0.2 LI qui se lit ainsi :
1010.0.2. Malgré l'expiration des délais prévus à l'article 1010, lorsqu'un contribuable fait l'objet d'une cotisation ou d'une nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (Lois révisées du Canada (1985), chapitre 1, 5e supplément), le ministre peut, dans l'année qui suit la date de cette cotisation, déterminer de nouveau l'impôt, les intérêts et les pénalités de ce contribuable et faire une nouvelle cotisation aux seules fins de tenir compte des éléments pouvant être considérés comme se rapportant à cette cotisation ou nouvelle cotisation.
Étant donné que le contribuable peut avoir renoncé à la prescription en faveur du fisc fédéral, par le jeu de l'article ci-dessus reproduit, il se trouve à renoncer également en faveur de Revenu Québec. La nouvelle cotisation du Québec est cependant limitée aux éléments de la nouvelle cotisation fédérale, une mince consolation.
1 - Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e supp.), c. 1. (ci-après « LIR »).
2 - Loi sur les impôts, L.R.Q. c. I-3 (ci-après « LI »).
3 - Strulovitch c. Québec (Sous-ministre du Revenu), 2007 QCCA 195.
4 -
Par. 152(4.1) LIR; Art. 1010.1 LI; Art. 25.3 Loi sur le ministère du Revenu, L.R.Q. c. M-31. |